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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n°152-153, p. 49 - Organisation et gestion
DOI: 10.1051/larsg:1995011

Vers un nouveau gouvernement d'entreprise

Taher Hamza
Professeur à l'E.S.C. Clermont

Jean-Jacques Pluchart
Maître de Conférences à l'Université de Paris XI
Professeur à l'E.S.C. Clermont


Résumé
La relation entre actionnaires et managers a fait l'objet de nombreuses analyses depuis que A. Berle et G. Means ont posé en 1932 les fondements de la "théorie de l'agence". L'exercice du "contrat" par lequel l'actionnaire ou "principal", confère au dirigeant ou "agent", la gestion d'une entreprise, donne en effet matière à litiges ; il existe entre les deux parties à la fois des divergences d'intérêts, une asymétrie d'information et des coûts de transcription. Cette relation a traversé une période de mutations significatives depuis le début des années 1980. Cette évolution est à la fois attestée par l'observation directe des comportements des entreprises françaises et anglo-saxonnes, par l'analyse des nouveaux dispositifs réglementaires de protection de l'épargne et par une revue de littérature afférente à la théorie de l'"agence". L'antagonisme dominant entre principal et agent a été transformé au cours de la décennie 1980, à la fois par un "renouveau des commandites", une réorganisation des droits de vote en Assemblée générale, la multiplication des pactes entre actionnaires et entre administrateurs, la création de nouveaux "instruments de fonds propres ou quasi-fonds propres", le développement de l'ingénierie financière... Ces pratiques ont développé un "actionnariat à deux vitesses" par transfert "d'affectio societatis" des actionnaires minoritaires aux actionnaires contrôlants. Cette "nouvelle géographie de capital" de l'entreprise a entraîné une mutation des coûts d'agence et une préférence accrue pour le court terme. Les années 1990 ont été marquées par un "retour progressif des propriétaires", sous les effets conjugués d'un durcissement des marchés à la fois commerciaux et financiers, puis de la montée d'un courant d'"éthique économique". Cette transformation a revêtu des formes variées : la multiplication des opérations publiques d'achat ou d'échange à rencontre des sociétés sous-gérées, l'application de la "loi du marché" aux dirigeants d'entreprise... Cette reprise en main de la relation d'agence, par les actionnaires contrôlants et même minoritaires, semble avoir été favorisée par de nouvelles réglementations financières, par des codes déontologiques et de procédures appliqués aux entreprises. Les prises de décisions stratégiques ont ainsi été de plus en plus influencées à la fois par des impératifs de "gestion patrimoniale" pour l'actionnaire et de "gestion du risque-responsabilité" pour le dirigeant. Les deux parties ont ainsi de nouveau accusé leur préférence pour le court terme. La "radicalisation" de la relation entre actionnaires et gestionnaires est de nature à soulever de nouvelles difficultés au sein de l'entreprise, notamment dans ses arbitrages entre risques industriels et risques financiers, entre avantages concurrentiels à court terme ou à long terme. Elle explique ainsi, au moins partiellement, certaines des contradictions qui marquent l'économie de l'entreprise d'aujourd'hui.


Abstract - Towards a new company government
The relationship between shareholders and managers has been the subject of numerous analyses since A. Berle and G. Means laid the foundations of the "agency theory" in 1932. The application of the "contract" whereby the shareholder or "principal" entrusts to the director or "agent", the management of a company, effectively gives rise to dispute ; between the two parties, there exists a difference of interests, unequal information and transcription costs. This relationship has been through a period of significant change since the beginning of the 1980s. This evolution is revealed both by direct observation of the behaviour of French and British companies, by analysis of the new regulations concerning the protection of savings and by a survey of literature pertinent to the "agency" theory. The dominant antagonism between the principal and the agent was transformed during the 1980s, both by a "renewal of partnerships", reorganization of voing powers at General Meetings, the multiplication of deals between shareholders and administrators, the creation of new "ownership or virtual ownership instruments", the development of financial engineering... These practices developed a "two-tier shareholder base" through transferring "affectio societatis" from minority shareholders to controlling shareholders. This new "geography of company capital" led to the alteration of agency costs and a distinct preference for the short-term. The 1990s were marked by the "gradual return of owners", under the combined effects of the hardening of commercial and financial markets, then the rise of an "economic ethics" tendency. This transformation took on various forrns : the multiplication of takeover or exchange bids against under-managed companies, the application of the "law of the market" to company managers... The fact that the agency relation was taken into hand by controlling shareholders and even minority shareholders appears to have been facilitated by new financial regulations, by codes of conduct and procedures applied to companies. Strategic decisions were more and more influenced by shareholders' "heritage management" requirements and directors' "risk/responsibility management". Both parties then definitely showed their preference for the short-term. The "radicalization" of the relation between shareholders and managers is of a nature to raise new difficulties in the heart of the company, in particular in its arbitration between iridustrial risks and financial risks, between short-term and long-term competitive advantages. This therefore explains - partly, at least -some of the contradictions that mark company economy today.



© La revue des Sciences de Gestion, direction et gestion des entreprises, la revue "Direction et gestion" des entreprises 1995


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